Au sein de ce budget, une ligne a retenu notre attention, c’est la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprise.  En ces temps de disette, l’état cherche de l’argent partout et va mettre les entreprises à contribution pour équilibrer le budget.

La réaction ne s’est pas faite attendre, l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault, a dégainé le premier, estimant la mesure injuste et menaçant de délocaliser des emplois. Pas plus tard qu’hier c’est le PDG de Total, Patrick Pouyanné, qui s’est manifesté pour apporter tout son soutien à M. Arnault.

Décryptons ensemble toute la scène

  1. Etait-ce le moment idéal pour décider d’une contribution exceptionnelle ?

On peut déjà remettre en question ce choix. Les entreprises sont en grandes difficultés. En 2024, plus de 64 000 sociétés ont déposé le bilan, le plus haut niveau depuis 2009. Et l’on s’attend à voir 66 000 structures fermer en 2025. Ce qui se traduit par une hausse du chomage de 3,9% au dernier trimestre 2024.

Paradoxalement, l’emploi et les résultats des entreprises se portaient beaucoup mieux pendant la crise énergétique. Par exemple, Total Energie, a réalisé son meilleur résultat historique en 2023 (21 Milliards d’euros). C’était à ce moment-là qu’il aurait fallu solliciter une aide exceptionnelle. Mais, souvenons-nous de la réaction du Ministre Le Maire de l’époque quand on lui demandait s’il ne fallait pas taxer un super-profit, il a répondu ne pas savoir ce qu’est un super-profit.

Pour ne pas mourir idiot, Monsieur l’ex-ministre, quand on vend aux américains Alstom à la découpe et qu’on leur rachète trois fois plus cher deux ans après, ils font un super-profit ou encore quand Total engrange 8 Milliards grâce au bouclier énergétique que vous avez mis en place, ils font un super-profit.

  1. Alors, pourquoi les grands patrons sont mécontents ?

Pour M. Pouyanné, on se le demande un peu : En même temps qu’il a fait sa sortie, il a timidement indiqué que Total ne participerait pas à la contribution exceptionnelle, car Total a régressé cette année sur son activité de raffinage en France, et ne paiera pas d’impôts sur les bénéfices.

Ah, vraiment c’est ballot !

C’est pile le jour où il n’a rien dans les poches, qu’on a demandé la charité à M. Pouyanné.

Pour M. Arnault, c’est différent, l’industrie du luxe sur laquelle est basée son patrimoine, n’est pas soumise aux variantes économiques. La clientèle du luxe est précisèment la population qui s’enrichit pendant les crises.

Sa contribution va donc avoir une certaine ampleur.

Mais à venir se plaindre à la télé, notre homme d’affaire n’aurait-il pas pu donner tous les tenants et aboutissants ? Pourquoi n’a-t-il pas évoqué les aides publiques dont bénéficient ses entreprises, précisèment parce qu’elles sont localisées en France ?

  1. Le grand oublié des débats : le montant des aides publiques aux entreprises

Il est difficile d’obtenir un chiffre exact du montant annuel des aides publiques que reçoivent les entreprises en France. Les sources varient. Peu de temps avant la Covid, le Ministre Darmanin évoquait des montants de l’ordre de 140 Milliards d’Euros par an.

Un rapport de la cour des comptes estime un montant de 250 Milliards d’Euros pour la période de crise sanitaire Covid (2020-22).

Un autre rapport de l’Inspection Générale des Finances évoque un montant de 86 Milliards d’Euros d’aide d’Etat auxquels il faut ajouter 2 Milliards d’aide des administrations de Sécurité sociale, 7 Milliards d’aide des collectivités locales et 10 Milliards d’aide de l’Union Européenne (dont 90 % au titre de la PAC), soit 105 Milliards d’aides publiques.

A titre de comparaison, le budget de l’état voté cette semaine est de 489 Milliards d’Euros.

20% du budget de la France sert pour les entreprises.

  1. Mais alors, où passe cet argent ?

Soyons clairs d’entrée, il est tout à fait normal qu’un pays soutienne son industrie et son économie, et les sommes engagées, si elles paraissent énormes, doivent être considérées comme des investissements. Un entreprise soutenue, peut en principe, dégager des fonds pour embaucher et se développer. En principe, elle est alors imposable, et contribue par les taxes, charges et impôts à la vie du pays. En principe, ses salariés, par leur cotisations, et leur consommation, contribuent également à la vie du pays. En principe.

Le seul accroc qui pourrait survenir est que ce flux d’économique cyclique ne soit syphonné ailleurs, ce qui provoque son appauvrissement, voire son tarissement. Le syphon s’appelle aujourd’hui le capital, et les sommes qu’il s’accapare deviennent à peine crédibles. Pour l’année 2024, le CAC40 a attribué 98 Milliards d’€uros de dividendes. Soit l’équivalent des aides publiques françaises en 2022.

Donc Bernard, ne soit pas trop chonchon, ce sont les impôts de français qui ont payé tes dividendes.


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